lundi 17 septembre 2012

Toni Morrison : Home

Toni Morrison : Home - Christian Bougois Editeur, 2012 - roman étranger

Toni Morrison poursuit son oeuvre en écrivant ce roman court et concis sur le thème de l'appartenance et de l'intégration des Noirs dans l'histoire des Etats-Unis.

Frank Money, jeune soldat afro-américain rentre de la guerre de Corée, traumatisé, brisé, perturbé (il a vu mourir deux amis d'enfance) et il part chercher se petite soeur Cee qui, après avoir fui la misérable vie familiale à la campagne en épousant un escroc et en partant avec lui à la ville, a ensuite servi de cobaye à un médecin blanc expérimentateur et est tombée gravement malade. Pour la retrouver, Frank va traverser les Etats-Unis, ce déplacement étant quasiment mission impossible pour un noir à cette époque..

Tous deux rentrent at "home" à Lotus en Georgie et leur fraternité va les aider à surmonter leur misère et retrouver leurs racines.

On ressent l'atmosphère des années 50 dans cette amérique profondément raciste où l'on organise encore des combats de nègres comme des combats de coqs !!

Ecriture magnifique et poêtique. On admire la précision du langage de Toni Morrison. Par exemple dans cette petite phrase : "Quant aux parents, ils étaient tellement épuisés à l'heure où ils rentraient du travail que tout témoignage d'affection était comme un rasoir : coupant, mince et bref."

N'oublions pas que Toni Morrison a été pris Nobel de littérature en 1993 et vient d'être décorée de la "Presidential Medal of Freedom" par Barak Obama dont elle est l'écrivain préféré.

Olivier Adam : Les lisières

Olivier Adam : Les Lisières - Flammarion, sept 2012 - roman



Le héros de ce roman, Paul Steiner, est un écrivain à succès dont la vie privée est un échec. Il vient de se séparer de sa femme qu’il aime encore et ne voit ses enfants que le week-end et ils lui manquent terriblement. Il est très gros et il boit facilement. Une dépression le guette et l’envahit : « la Maladie » contre laquelle il a déjà dû lutter bien des fois (à 10 ans en tentant de se suicider, à l’adolescence en étant anorexique). Cet homme, doux rêveur, égoïste, n’acceptant pas les contraintes semble invivable. Sa femme lui dit : « Vivre avec toi, c’est vivre avec un fantôme ».

Sa mère étant hospitalisée, il repart dans sa banlieue d’enfance aider son père et y retrouve ses amis et ses amours oubliés mais peut-on reprendre l’histoire 20 ans après ??? Il doit alors regarder la vie en face et cet écrivain torturé va nous faire une description de son voyage intérieur et de  sa vision et son regard sur ses proches et les « déclassés ». Tout va être passé en revue : son père, ouvrier à la retraite, féru de vélo, bourru, taciturne, colérique, aigri, ne comprenant pas ce fils « artiste » ; sa mère ne pouvant exprimer son amour, cachant un secret et une terrible tristesse ; son frère, devenu BCBG dans une banlieue chic qui ne peut l’encaisser et vice-versa ; les amis d’enfance dont il découvre les difficultés à mener une vie décente, déçus de la vie, de leur métier qui lui font comprendre sa lâcheté  et même les collègues bobos de son milieu artiste qui critiquent son départ en province et  qu’il critique à tout va…Ce Paul se sent en total décalage mais n’est-il pas le double de l’auteur lui-même ????

Ce roman « social » ausculte à merveille les rapports de classe, thème déjà abordé dans les livres d’Olivier Adam et on peut le trouver à la fois « analyste économiste, sociologue et psychiatre » !! mais n’est-il pas un peu trop pessimiste et mélancolique…Certains parlent de « Littérature dépressive ». Et n'est-il pas trop sûr de lui et trop "poncif" comme il est dit dans le Figaro littéraire ? et le roman n'est-il pas trop long (il y a beaucoup de répétitions) ?

Quelques passages : « Ecrire sur les classes moyennes et populaires, la province, les zones périurbaines, les lieux communs, le combat ordinaire que menait le plus grand nombre était paradoxalement devenu une particularité, un sous- genre » . «Ils (les bobos) considéraient qu’au-delà du périphérique ne régnaient que chaos, barbarie, inculture crasse et médiocrité moyenne et pavillonnaire. La province rimait nécessairement avec enfermement, sclérose, conformisme, plouquitude, conservatisme bourgeois, pesanteur, travail, famille et patrie »

Russell banks : Lointain souvenir de la peau

Russell Banks : Lointain souvenir de la peau - Actes Sud, 2012 - roman étranger.

Russell Banks, auteur américain de 72 ans, a toujours écrit sur le « quart-monde de l’Amérique oubliée ». Lui-même marqué par des tragédies (père dépressif et alcoolique, un frère blessé au Vietnam, un frère disparu) sait parler de la souffrance : « J’ai tendance à ressentir plus de tendresse pour les gens opprimés que pour les puissants » dit-il.

 C’est ainsi qu’il nous raconte le vie d’un délinquant sexuel virtuel « le Kid », en liberté conditionnelle avec un bracelet électronique qui permet aux autorités de le localiser 24h sur 24, ne pouvant quitter le comté de Calusa en Floride et devant « habiter » à plus de 760 mètres d’un lieu fréquenté par des enfants. Seul endroit habitable : sous le viaduc où tous les parias se retrouvent. L’auteur nous fait « une formidable mise en scène des personnages, pris dans un environnement toujours plus sombre et angoissant, jusqu’à en devenir apocalyptique »

L’auteur nous fait un portrait magnifique de cet « exclu », accro de sexe virtuel, toujours vierge ( !) avec pour seul ami Iggy, un iguane. « Le Kid » est un blanc âgé de 20 ans, sans culture, fragile, mais obstiné, malin. L’auteur parvient à le rendre attachant grâce à ses réflexions sur la vie d’une naïveté surprenante et d’un bon sens étonnant.

Le « Professeur » enseignant en sociologie, s’intéresse à lui et à ceux qui habitent sous ce viaduc. Mais pourquoi ? Etude sociale ou veut-il se faire pardonner de mauvaises actions ??? Beaucoup d’échanges et de dialogues puissants entre ces deux personnages si différents mais qui gèrent tous les deux leurs addictions : le Kid sa vie sexuelle par internet et le professeur sa boulimie (il est énorme !!)

Sujet donc très original et déroutant qui met en « scène l’enfer de la déviance et le supplice de l’exclusion » dans un milieu social difficile à connaître et soulève les problèmes américains actuels : l’addiction à Internet (« Il se pourrait bien qu’Internet soit le serpent et que la pornographie soit le fruit défendu ») et les problèmes de nutrition.

 

Françoise Héritier : Le Sel de la vie

Françoise Héritier : Le Sel de la vie - Odile Jacob, 2012 - roman très court.

J'avais déjà parlé de l'anthropologue Françoise Héritier pour sa participation dans l'écriture du livre très intéressant "La plus belle histoire des femmes" écrit avec Mesdames Perrot, Agacinski et Bacharan. (fiche dans ce blog)

Ici, elle nous régale avec ce peti opuscule : "Sous une apparence un brin désinvolte"(nous dit F. Busnel) elle dresse la liste de ses envies, de  ces moments qui font "le sel de la vie" : images, émotions, souvenirs agréables qui sont la base de notre existence.

A vous aussi d'écrire cette liste....

Carole Martinez : Le coeur cousu

Carole Martinez : Le coeur cousu - Gallimard,fev 2007 - Gallimard poche, mars 2009 - roman.

Après avoir lu "Du domaine des murmures" paru  à la rentrée 2011 (fiche dans les documents anciens de ce blog), je voulais connaître de ce même auteur le roman :" Le coeur cousu".  C'est un très beau conte romanesque et poétique sur des personnages magnifiques, surtout des femmes.

Ce long voyage fantastique se lit comme une poésie, tant la prose est belle.

Soledad découvre sa vie grâce au récit de sa soeur aînée. Sixième enfant d'une fratrie, elle est née au Maroc mais le récit se passe aussi avant dans un village du Sud de l'Espagne. Sa mère avait des mains de fées et était une couturière exceptionnelle mais cela lui donnait une réputation de magicienne ou de sorcière. Elle fut "jouée et perdue par son mari" lors d'un combat de coq et elle quitte son village pour une errance avec 5  puis 6 enfants en Andalousie puis au Maroc. Voici quelques titres de chapitres : Le milieu du chemin ; dialogue dans la montagne ; l'ogre, la mort et la petite lumière ; la prière du dernier soir ; le long poème d'Anita ; la saison des amours ; la robe de bal ; les dessins de sable ; la voix du diable .....

Ce roman magnifique alterne entre des passages tragiques et des anecdotes drôles ou cruelles.

Jonathan Coe : La vie très privée de Mr Sim.

Jonathan Coe : La vie très privée de Mr Sim - Gallimard, janv. 2011 - Gallimard poche, mars 2012 - roman.

C'est un livre "dramatiquement drôle", ainsi le définit son éditeur. En effet on ne peut s'empêcher d'avoir le sourire aux lèvres tout au long de la lecture de ce roman empreint de l'ironie souvent tendre que l'on connait à Coe. (lire la maison du sommeil ou la pluie avant qu'elle tombe).

Un homme de 48 ans, Maxwell Sim, accepte de traverser la Grande Bretagne en Toyota hybride pour vendre des brosses à dents dernier cri...Les paysages lui rapellent son enfance triste, son adolescence, sa vie en echec mais tout cela est décrit avec un tel humour "tout britannique", une telle force satirique, une telle finesse psychologique que l'on se régale d'un bout à l'autre. Il est difficile de résister aux charmes de ce roman : "C'est un petit chef d'oeuvre d'intelligence et de malice".