lundi 17 septembre 2012
Olivier Adam : Les lisières
Olivier Adam : Les Lisières - Flammarion, sept 2012 - roman
Le héros de ce roman, Paul Steiner, est un écrivain à succès
dont la vie privée est un échec. Il vient de se séparer de sa femme qu’il aime
encore et ne voit ses enfants que le week-end et ils lui manquent terriblement.
Il est très gros et il boit facilement. Une dépression le guette et
l’envahit : « la Maladie » contre laquelle il a déjà dû lutter
bien des fois (à 10 ans en tentant de se suicider, à l’adolescence en étant
anorexique). Cet homme, doux rêveur, égoïste, n’acceptant pas les contraintes
semble invivable. Sa femme lui dit : « Vivre avec toi, c’est vivre
avec un fantôme ».
Sa mère étant hospitalisée, il repart dans sa banlieue
d’enfance aider son père et y retrouve ses amis et ses amours oubliés mais
peut-on reprendre l’histoire 20 ans après ??? Il doit alors regarder la
vie en face et cet écrivain torturé va nous faire une description de son voyage
intérieur et de sa vision et son regard
sur ses proches et les « déclassés ». Tout va être passé en
revue : son père, ouvrier à la retraite, féru de vélo, bourru, taciturne,
colérique, aigri, ne comprenant pas ce fils « artiste » ; sa
mère ne pouvant exprimer son amour, cachant un secret et une terrible tristesse ;
son frère, devenu BCBG dans une banlieue chic qui ne peut l’encaisser et
vice-versa ; les amis d’enfance dont il découvre les difficultés à mener
une vie décente, déçus de la vie, de leur métier qui lui font comprendre sa
lâcheté et même les collègues bobos de
son milieu artiste qui critiquent son départ en province et qu’il critique à tout va…Ce Paul se sent en
total décalage mais n’est-il pas le double de l’auteur lui-même ????
Ce roman « social » ausculte à merveille les rapports
de classe, thème déjà abordé dans les livres d’Olivier Adam et on peut le
trouver à la fois « analyste économiste, sociologue et
psychiatre » !! mais n’est-il pas un peu trop pessimiste et
mélancolique…Certains parlent de « Littérature dépressive ». Et n'est-il pas trop sûr de lui et trop "poncif" comme il est dit dans le Figaro littéraire ? et le roman n'est-il pas trop long (il y a beaucoup de répétitions) ?
Quelques passages : « Ecrire sur les classes
moyennes et populaires, la province, les zones périurbaines, les lieux communs,
le combat ordinaire que menait le plus grand nombre était paradoxalement devenu
une particularité, un sous- genre » . «Ils (les bobos) considéraient qu’au-delà
du périphérique ne régnaient que chaos, barbarie, inculture crasse et
médiocrité moyenne et pavillonnaire. La province rimait nécessairement avec enfermement,
sclérose, conformisme, plouquitude, conservatisme bourgeois, pesanteur,
travail, famille et patrie »
Russell banks : Lointain souvenir de la peau
Russell Banks : Lointain souvenir de la peau - Actes Sud, 2012 - roman étranger.
Russell Banks, auteur américain de 72 ans, a toujours écrit
sur le « quart-monde de l’Amérique oubliée ». Lui-même marqué par des
tragédies (père dépressif et alcoolique, un frère blessé au Vietnam, un frère disparu)
sait parler de la souffrance : « J’ai tendance à ressentir plus de
tendresse pour les gens opprimés que pour les puissants » dit-il.
C’est ainsi qu’il nous
raconte le vie d’un délinquant sexuel virtuel « le Kid », en liberté
conditionnelle avec un bracelet électronique qui permet aux autorités de le
localiser 24h sur 24, ne pouvant quitter le comté de Calusa en Floride et
devant « habiter » à plus de 760 mètres d’un lieu fréquenté par des
enfants. Seul endroit habitable : sous le viaduc où tous les parias se
retrouvent. L’auteur nous fait « une formidable mise en scène des
personnages, pris dans un environnement toujours plus sombre et angoissant,
jusqu’à en devenir apocalyptique »
L’auteur nous fait un portrait magnifique de cet
« exclu », accro de sexe virtuel, toujours vierge ( !) avec pour
seul ami Iggy, un iguane. « Le Kid » est un blanc âgé de 20 ans, sans
culture, fragile, mais obstiné, malin. L’auteur parvient à le rendre attachant
grâce à ses réflexions sur la vie d’une naïveté surprenante et d’un bon sens
étonnant.
Le « Professeur » enseignant en sociologie,
s’intéresse à lui et à ceux qui habitent sous ce viaduc. Mais pourquoi ?
Etude sociale ou veut-il se faire pardonner de mauvaises actions ???
Beaucoup d’échanges et de dialogues puissants entre ces deux personnages si
différents mais qui gèrent tous les deux leurs addictions : le Kid sa vie
sexuelle par internet et le professeur sa boulimie (il est énorme !!)
Sujet donc très original et déroutant qui met en « scène
l’enfer de la déviance et le supplice de l’exclusion » dans un milieu
social difficile à connaître et soulève les problèmes américains actuels :
l’addiction à Internet (« Il se pourrait bien qu’Internet soit le serpent
et que la pornographie soit le fruit défendu ») et les problèmes de
nutrition.
Françoise Héritier : Le Sel de la vie
Françoise Héritier : Le Sel de la vie - Odile Jacob, 2012 - roman très court.
J'avais déjà parlé de l'anthropologue Françoise Héritier pour sa participation dans l'écriture du livre très intéressant "La plus belle histoire des femmes" écrit avec Mesdames Perrot, Agacinski et Bacharan. (fiche dans ce blog)
Ici, elle nous régale avec ce peti opuscule : "Sous une apparence un brin désinvolte"(nous dit F. Busnel) elle dresse la liste de ses envies, de ces moments qui font "le sel de la vie" : images, émotions, souvenirs agréables qui sont la base de notre existence.
A vous aussi d'écrire cette liste....
Carole Martinez : Le coeur cousu
Carole Martinez : Le coeur cousu - Gallimard,fev 2007 - Gallimard poche, mars 2009 - roman.
Après avoir lu "Du domaine des murmures" paru à la rentrée 2011 (fiche dans les documents anciens de ce blog), je voulais connaître de ce même auteur le roman :" Le coeur cousu". C'est un très beau conte romanesque et poétique sur des personnages magnifiques, surtout des femmes.
Ce long voyage fantastique se lit comme une poésie, tant la prose est belle.
Soledad découvre sa vie grâce au récit de sa soeur aînée. Sixième enfant d'une fratrie, elle est née au Maroc mais le récit se passe aussi avant dans un village du Sud de l'Espagne. Sa mère avait des mains de fées et était une couturière exceptionnelle mais cela lui donnait une réputation de magicienne ou de sorcière. Elle fut "jouée et perdue par son mari" lors d'un combat de coq et elle quitte son village pour une errance avec 5 puis 6 enfants en Andalousie puis au Maroc. Voici quelques titres de chapitres : Le milieu du chemin ; dialogue dans la montagne ; l'ogre, la mort et la petite lumière ; la prière du dernier soir ; le long poème d'Anita ; la saison des amours ; la robe de bal ; les dessins de sable ; la voix du diable .....
Ce roman magnifique alterne entre des passages tragiques et des anecdotes drôles ou cruelles.
Jonathan Coe : La vie très privée de Mr Sim.
Jonathan Coe : La vie très privée de Mr Sim - Gallimard, janv. 2011 - Gallimard poche, mars 2012 - roman.
C'est un livre "dramatiquement drôle", ainsi le définit son éditeur. En effet on ne peut s'empêcher d'avoir le sourire aux lèvres tout au long de la lecture de ce roman empreint de l'ironie souvent tendre que l'on connait à Coe. (lire la maison du sommeil ou la pluie avant qu'elle tombe).
Un homme de 48 ans, Maxwell Sim, accepte de traverser la Grande Bretagne en Toyota hybride pour vendre des brosses à dents dernier cri...Les paysages lui rapellent son enfance triste, son adolescence, sa vie en echec mais tout cela est décrit avec un tel humour "tout britannique", une telle force satirique, une telle finesse psychologique que l'on se régale d'un bout à l'autre. Il est difficile de résister aux charmes de ce roman : "C'est un petit chef d'oeuvre d'intelligence et de malice".
Inscription à :
Articles (Atom)