lundi 7 octobre 2019
Jeanne Benameur : Ceux qui partent (N°2 sept 19)
Jeanne Benameur : Ceux qui partent - Actes Sud, 2019 - roman français
Ce livre raconte les destins croisés de personnages arrivés
aux Etats-Unis en 1910 dans le fameux batiment d’Ellis Island, entrée
principale des immigrants (superbement décrit). C’est le début du XXème siècle
avec ses rêves et sa conquête du bonheur et de la liberté.
Nous découvrons ces migrants à travers l’objectif d’un jeune
photographe qui va aider le premier couple qu’il aperçoit ce jour-là : un père,
Donato Scarpa, accompagné de sa fille, Emilia, venant de quitter leur Italie
natale après la mort de Grazia, sa femme. Lui, il était comédien au théâtre et
déclamait et déclame encore avec sa
« belle voix grave » des versets de l’Enéide, « sa
boussole » qu’il tient toujours à la main ; elle, c’est une jeune femme superbe qui attire le regard.
A « l’excitation de l’arrivée », va suivre « l’humiliation du
tri » et l’attente dans la foule et le bruit : c’est un choc. Emilia
se lie d’amitié avec une femme assise sur sa valise à côté d’elle, Esther
Agakian, une amérindienne, qui a quitté son pays après les massacres et pogroms
dans sa terre lointaine d’Arménie. Elle y était couturière et un génie du
vêtement. Chez elle, « Tutti morti » : tous les gens sont morts…
Puis tous entendent de la musique : c’est Gabor un bohémien musicien avec
un « regard attentif et doux ». La belle Emilia viendra danser au son
de son violon : moment inattendu pour tous…mais dans le clan de Gabor, il
y a son amoureuse qui, tout de suite, sent une rivale et qui sera inquiète puis
désespérée puis malade. Le dernier chapitre explique le dénouement de la vie de
chacun.
Tous ces personnages sont magnifiquement observés :
leurs regards, leurs gestes, leurs peaux, leurs langages : « On se
laisse conquérir sans peine par les échappées poétiques qui surgissent le temps
d’un cliché, d’une danse ou d’une étreinte » (le Nouveau Magazine
littéraire).
Jeanne Benameur m’avait déjà enchantée avec « Otages
intimes ». Ici ce « roman charnel », actuel par son sujet sur
l’immigration, magnifique dans son écriture poétique m’a charmée.
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