Alice Zeniter : L'art de perdre - Flammarion, 2017 - roman français. Prix Goncourt des Lycééns 2017.
J’ai beaucoup aimé les
livres précédents de cette auteure : « Sombre Dimanche », paru
en 2013, Prix du Livre Inter et Prix des
lecteurs de l’Express : elle y retraçait le destin d’une famille en
Hongrie au XXème siècle sur trois générations puis « Juste avant
l’oubli » paru en 2015, Prix Renaudot des lycéens : livre aux allures
de roman noir sur une enquête sur la fin d’un amour sur une île coupée du
monde.
Ici avec « L’art de perdre », l’auteure
vient de recevoir le Prix Goncourt des Lycéens de 2017. C’est une jeune auteure
dynamique et pétillante dans ses interviews. Son écriture est, comme elle, très
directe, rapide, moderne, vive avec ses apartés entre parenthèses pleins
d’humour.
Ce livre, indirectement
sur ses propres origines, a sûrement été plus compliqué à écrire pour elle et
les deux premières parties m’ont parue un peu lentes alors que la dernière
partie est magnifique : les personnages sont attachants, ce qui nous
permet de lire quand même assez rapidement ce pavé de 500 pages où il y a tout
sur l’Algérie depuis les années 1950 à nos jours : « Un souffle
inouï traverse, par la fiction et la petite porte, une page d’histoire complexe
et, ô combien, inflammable » (ELLE)
Alice Zeniter prend
pour héroïne Naïma, une jeune femme travaillant dans une Galerie d’Art à Paris
de nos jours, qui décide de retrouver ses racines algériennes. N’est-ce pas un
peu l’auteure : « son double fictionnel », dit-on.
Naïma fait revivre son
grand-père Ali, montagnard kabyle et petit propriétaire terrien. Il a été
soldat dans l’armée française en 1944 lors de la Seconde Guerre mondiale. A la
fin des années 1950, Ali est un notable dans son village. L’armée coloniale
attaque ce village tranquille et Ali penche vers les autorités françaises et devient
harki presque malgré lui. Il perd tout. Pour fuir les représailles du FLN et pour
sauver sa famille, il quitte l’Algérie en 1962 et se réfugie dans une France
peu accueillante. La famille est « parquée » dans un camp de transit
de Rivesaltes dans de misérables baraquements puis dans une cité HLM de
Normandie.
C’est là que nous
suivons la vie d’Hamid dans la deuxième partie du roman. Hamid, le fils aîné de
Ali, arrive donc en France à 7 ans et
n’a qu’un but : paraître français et oublier l’Algérie qui, pour lui,
reste un sujet de honte et de peur, résister aux brimades
« bougnoules ». Il se réinvente grâce à l’amour de Clarisse
« une française de souche », qu’il épousera. Ils auront 4 filles dont
Naïma, notre héroïne.
Naïma essaie de faire
parler son père, creuse, fouille et déterre les « Racines des
harkis ». Mais grand-père et père sont murés dans le silence ainsi que les
membres de la famille. Naïma décide d’aller en Algérie. Dans la troisième
partie du roman, cette jeune femme découvre son pays d’origine, Alger, les
villages kabyles et enfin sa famille. Cette partie est très touchante et
émouvante. Tous les sens sont à vif : les ressemblances des visages, les
odeurs de la cuisine, les sonorités de la langue arabe, les embrassades
fusionnelles.
L’auteure fait dire à
Naïma : « Le temps a fait son œuvre qui permet le détachement. Je
peux raconter, contrairement à mon père qui refusait d’être identifié par les
actes de son propre père ».
On peut lire dans
Télérama : « Le patriarche, le fils, la petite fille : trois
personnages, trois époques, trois pans d’Histoire et de culture arabe et
française, trois manières d’être au monde. Et de revendiquer, aussi, son statut
d’homme ou de femme » : « roman puissant sur l’identité et la
liberté d’être soi, au-delà des héritages ».
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