Véronique Olmi : Bakhita - Albin Michel, 2017 - roman français.
COUP de COEUR
Le résumé de ce roman
est dans tous les journaux littéraires : A la fin du XIXème siècle, une
petite fille noire, âgée de 7 ans vers 1875, est enlevée par des trafiquants
d’esclaves dans un village du Darfour au Soudan. Elle va vivre l’enfer, sera
vendue 6 fois, battue, humiliée, martyrisée puis sera rachetée par le consul
d’Italie à Karthoum avec qui elle partira en Italie, se convertira au
catholicisme, deviendra religieuse puis sera la première sainte africaine béatifiée
puis canonisée par Jean-Paul II en 2000.
Cette histoire est
évidemment magnifique : c’est la façon de relater ce parcours qui m’a
beaucoup plu, ému et que j’admire énormément, faisant de ce livre ambitieux mon coup de cœur. Il a déjà reçu le prix du roman
FNAC 2017.
L’auteur se met à la
place de l’enfant puis de la jeune fille puis de la religieuse et nous fait
vivre toutes les étapes de ses sentiments avec une écriture épurée et sensible.
La première partie est la plus prenante : « de l’esclavage à la
liberté ». La seconde « de la liberté à la sainteté » m’a paru
plus facile bien que très intéressante.
J’ai retenu quelques
moments forts du début du récit : Le moment précis de l’enlèvement, le
« tam-tam de son cœur » dans sa tête et dans sa poitrine, le
« si tu cries, je te tue » ; son nouveau prénom (elle a oublié
le sien…) Bakhita (qui veut dire la Chanceuse…) ; son attachement à Binah,
sa co-détenue ; sa culpabilité envers sa famille restée au village, le
souvenir du visage de sa mère (évoqué dans tout le récit) ; la description
de la première nuit dans une bergerie qui restera un de ses plus forts
traumatismes ; l’achat par le même marchand des deux amies :
« elles marchent entre les gardiens, elles vont, elles continuent » :
« je ne lâche pas ta main », cette phrase devenant leur
leit-motiv pendant les marches interminables dans le désert ; la scène
effroyable du bébé qui pleure ; la description du centre caravanier d’EL
Obeid, les angoisses pendant le marchandage autour des deux petites filles qui
sont « djamila », belles (la beauté, cette malédiction), leur soulagement
de ne pas être séparées ; la succession des maitres, de leurs enfants
infâmes, les abus d’un des fils de maître avec les coups qui les anéantissent
pendant des mois entiers ; le tatouage vers l’âge de 12 ans : « cette
chair entaillée, cette peau brûlante et bouffie, ces cicatrices pour la
vie » pendant lequel elle a failli mourir.
Arrive enfin une sorte
de libération lorsque le consul achète Bakhita
à « 12 ans à peu près » : sa façon de renaître, avoir un habit,
se laver avec de l’eau, manger…
Commence alors la
deuxième partie pendant laquelle notre Bakhita sera à nouveau donnée à un autre
maître. Dans cette maison, elle sauvera de la mort un nouveau-né et deviendra
la nounou de cette petite fille Alice, prénommée Mimmina. Bakhita sera adoptée
par le gérant des biens de ce maître, un « homme inclassable,
passionné, religieux, chaleureux et humaniste ». Il fera rentrer Bakhita
dans un institut canossien, institut religieux qui a pour but l’instruction des
pauvres et l’enseignement de la doctrine chrétienne. Elle y découvre la
religion catholique et la révélation de sa foi. L’auteur réussit à nous décrire
l’évolution de la foi de celle qui devient la « Madre Moretta », la
mère noiraude, qui demande à rester en Italie malgré la séparation d’avec
Mimmina qui repart avec sa mère, qui demande
le baptême en novembre 1889, puis le noviciat puis devient religieuse à 24
ans : « Je suis fille de Dieu ». Elle meurt en 1947 à l’âge de
78 ans après 53 ans de vie religieuse.
Quel parcours émouvant
et quel destin inouï, vrai et méconnu de
cette petite esclave. « Bakhita est fascinante par sa force, son
intelligence, son charisme et sa résilience. Comment tant de bonté peut naître
de tant de souffrances » (Version Fémina). Quel talent a eu l’auteur pour
écrire ce livre « magnifique, ambitieux, inspiré et lumineux ».
A lire absolument.