Michael Cunningham : Snow Queen - Belfond, 2015 - roman américain
Ce roman se passe dans les années 2000 dans le « New-York des âmes perdues » sous la neige qui enveloppe la laideur d'un quartier de Brooklyn avec trois personnages, arrivés à la quarantaine, trio éclopé, amoché, perdu. Nous sommes dans une ville « symbole de la « lose » et des illusions de l'époque, dans le marasme des années Bush, ce qui mine le moral des personnages du roman.
Barrett et Tyler sont deux
frères inséparables, soudés depuis la mort de leur mère foudroyée
sur un terrain de golf et l'absence de leur père, remarié. Ils
entourent Beth, la fiancée de Tyler qui se meurt d'un cancer.
Barrett, « le candide
torturé de la famille », travaille dans une boutique de
fringues après avoir suivi des études dans la prestigieuse
université de Yale et après mille projets avortés. Tyler, bien que
sorti de Sciences politiques, est un musicien raté et un cocaïnomane
assidu. Il veut créer sa plus belle chanson pour l'offrir à Beth en
cadeau de mariage…Il travaille dans un bar comme serveur et
musicien. Beth sait qu'elle va mourir mais ne renonce pas. Liz, leur
vieille copine et amante, les protège tous.
Barrett ayant aperçu dans
le ciel un halo de lumière étrange, croit à un signe, une
manifestation céleste qui va changer sa vie et celle de son frère.
Il ressent cette apparition comme une réponse à sa crise
existentielle…d'autant qu'il la voit le jour où il a reçu par
texto laconique une rupture de sa relation avec son dernier amant .
Il a toujours des amours impossibles…
Rien ne se passe : pas
d'événements extraordinaires mais le lecteur est bouleversé par
une description sans pareil des états d'âmes des personnages avec
leurs souffrances, leurs regrets, leurs déceptions mais aussi leurs
espoirs, leurs désirs sur un fond de mélancolie typique dans le
New-York contemporain, dit l'auteur et encore la tendresse de leur
relation et leur sensibilité. On sourit devant l'humour
des descriptions de la vie des intellectuels et de leurs mœurs et
l'évocation de l'atmosphère de cette ville envoûtante. « Michael
Cunningham continue d'explorer avec finesse les thèmes qui lui sont
chers : la peur de vieillir, la fragilité émotionnelle des
êtres, les liens étranges de la famille. Il le fait dans ce roman
avec la mélancolie, la lumière et la grâce qui lui sont décidément
propres » (Lire de avril 2015). C'est une histoire d'amour, de
fraternité et de mort.
Le titre rappelle, bien
sûr, « La reine des neige » du conte d'Andersen adapté
par Walt Disney et des situations nous le remémorent. « Les mots
peuvent avoir plusieurs sens, dit l'auteur. La neige, c'est aussi la
poudre, la drogue et la reine a bien sûr une connotation sexuelle »…
Ce livre a été publié
aux Etats-Unis en mai 2014 et vient de paraître en France. L'auteur
avait reçu le Prix Pulitzer et le Faulkner Award pour « Les
heures » en 1999 , un chef d’œuvre que je vous
conseille de lire (Belfond 1999 et en 10/18).