David Foenkinos : Charlotte - Gallimard, 2014 - roman français
Comme beaucoup de lecteurs, j’ai
adoré les 13 livres fantaisistes, genre comédies douces-amères, de cet auteur
portés par une écriture fluide, légère et pleine d’humour dont le roman, La
Délicatesse, écrit en 2009 et adapté au cinéma en 2011.
Dans ce livre, nous
allons retrouver sa belle écriture mais plus singulière : ce livre
est « comme un chant en vers libres », un genre de poèmes en prose
avec, donc, de courtes phrases terminées par un
point : « J’éprouvais la nécessité d’aller à la ligne pour
respirer. Alors j’ai compris qu’il fallait l’écrire ainsi. » nous dit-il
dans ce roman puisqu’il y mêle l’histoire, en notant ses propres réflexions, recherches et
investigations.
MAIS ici il a changé de
sujet : il y a une dizaine d’années, David Foenkinos fait « une
rencontre illuminante ». Il éprouve un genre de coup de foudre pour
l’artiste-peintre méconnue Charlotte Salomon en voyant une exposition de ses
œuvres. Il décide, après de nombreuses recherches au sujet de sa découverte de
nous faire partager sa passion.
Cette femme juive est
née en 1917 à Berlin dans une famille bourgeoise. Son enfance puis sa vie sont
marquées par une succession de tragédies et de malédictions. On ressentira dans
toute son œuvre le mal-être de la jeune femme suite à ces drames. Jeune fille,
elle tombera amoureuse du professeur de chant de sa belle-mère. Il sera son
mentor et son grand amour. Il l’aidera beaucoup lorsque, malgré sa judéité,
elle rentre aux Beaux-Arts de Berlin en 1937. Elle reprendra alors confiance en
elle grâce à sa passion pour cet homme et pour la peinture. Elle dit elle-même
que la rencontre avec Alfred lui procure « l’esquisse d’une folie – une
folie douce et docile, sage et polie, mais réelle ». Elle doit s’enfuir de
l’Allemagne nazie en 1938 pour le Sud de la France où elle rejoint ses
grands-parents, laissant parents et amour (elle n’aura plus jamais de nouvelles
d’Alfred). Elle est incarcérée avec son grand-père en 1940 puis relâchée,
ensuite elle est arrêtée et sauvée par un policier en 1942.
C’est à ce moment-là
qu’elle sent l’urgence de s’exprimer par la peinture. Elle fera en peu de temps
800 gouaches autobiographiques légendées de textes et de partitions, « une
œuvre lumineuse, pleine de grâce et de légèreté ». Elle intitulera ce
travail « Vie ? ou Théâtre ? ». En confiant ses œuvres à un
ami avant d’être déportée, elle dira « C’est ma vie » « Cela
rejoint la définition de Kandinsky « créer une œuvre, c’est créer un
monde » nous écrit David Foenkinos.
Elle rencontre à cette époque son deuxième
amour qui deviendra son mari, Alexandre Nagler et c’est enceinte, à l’âge de 26
ans, qu’elle sera gazée an 1943 à Auschwitz.
David Foenkinos nous
offre un superbe portrait de femme et d’artiste avec ce récit sobre et
puissant, où l’on sent qu’il y met beaucoup de lui-même, de sa sensibilité et
de sa sincérité : c’est ce qui rend ce livre bouleversant, singulier et
original.