couverture anglaise du livre posé sur un quilt
Tracy Chevalier : La Dernière fugitive - La Table ronde, 2013 - roman anglais
« Passionnante échappée dans l’Amérique des Quakers et des esclaves en fuite » : voilà comment est résumé le nouveau roman de Tracy Chevalier qui nous a déjà régalés avec le roman « La Jeune fille à la perle » en 2002 dans lequel elle mettait en scène la très belle servante du peintre Vermeer et avec « Prodigieuses Créatures » en 2011 où une jeune analphabète devenait paléontologue.
Ici l’héroïne Honor
Bright quitte la Grande-Bretagne en 1850 pour rejoindre une communauté de
Quakers dans l’Ohio. Après une traversée mémorable et éprouvante, elle va
découvrir un nouveau monde et va devoir s’habituer aux mœurs, aux mentalités,
aux usages de ce territoire du Middle-West américain et à une vie beaucoup plus
précaire. A travers des lettres écrites à son amie Biddy et à sa famille,
restées en Grande-Bretagne, on comprend les sentiments de notre
héroïne sur l’Amérique : « L’Amérique est une terre si singulière.
C’est un pays jeune et inexpérimenté aux fondations incertaines »
« On a la sensation que personne n’est là depuis longtemps et que personne
ne restera longtemps » dit-elle.
D’une intelligence vive
et d’un caractère passionné et combatif, contenu par sa religion et les
exigences imposées aux femmes, elle va nous raconter sa vie au quotidien, ses
sentiments, ses rencontres : Adam, fermier qui devait épouser sa
sœur ; la belle-sœur de celui-ci ; Belle, une modiste atypique ;
Donovan, un chasseur d’esclaves fugitifs ; son mari, fermier quaker ;
sa belle-mère inflexible et les brodeuses de quilts qui la protègent.
Les rites des Quakers,
membres d’un mouvement fondé par Georges Fox en 1648, sont extrêmement biens
décrits. Après cette lecture on sera incollable sur la fabrication de ces
quilts en patchwork complexe, signature de la communauté quaker et cadeau de
mariage incontournable. Ce sont des dessus-de-lit que ces dames confectionnent
pour un mariage ou une naissance, généralement c’est une œuvre collective. La
passion d’Honor pour la couture lui donne « une force tranquille ».
La description des réunions de la communauté est très intéressante. La sévère
communauté protestante des Quakers – ou la rigide Société des Amis, comme ils
se nomment eux-mêmes – a un culte fondé sur le silence et un lien direct avec
Dieu : « Dans le froissement d’étoffe, avec force toussotements et
raclements de gorge, les fidèles s’agitaient sur leurs sièges pour trouver une
position confortable, leur nervosité physique reflétant l’état de leur esprit,
encore hanté par les préoccupations journalières….La qualité du silence se
modifiait peu à peu…Les fidèles commençaient à se concentrer sur quelque chose
de bien plus profond et de plus en plus puissant. Honor descendait alors en
elle. L’inspiration divine qu’elle éprouvait lors des Réunions n’était pas un
sentiment qu’elle pouvait décrire par des mots »…édifiant et très beau…
Nous allons assister à
le métamorphose d’Honor, qui d’une jeune fille timide va devenir une pionnière
hardie. Elle nous fait revoir l’histoire de l’abolition de l’esclavage qui est
proche (en 1866) puisqu’elle aide de façon intrépide des esclaves en fuite
venus du Sud à rejoindre le Canada (ce
qui déplait à la famille de son mari) et il est intéressant de se remémorer
l’histoire du « chemin de fer clandestin » qui était un réseau de
routes clandestines utilisées pas les esclaves noirs américains pour se
réfugier et aller jusqu’au Canada aidés pas des abolitionnistes qui adhéraient
à leur cause.
L’écriture fine et paisible
de Tracy Chevalier ainsi que l’alternance de récits et de lettres rendent ce
beau roman très agréable à lire, l’auteur sachant à merveille dépeindre la vie,
les sentiments et le quotidien de ses héros.
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