Julie Otsuka : Certaines
n’avaient jamais vu la mer – Phébus, 2012 – Prix Fémina étranger 2012
C’est l’histoire
méconnu de ces jeunes japonaises qui, dans les années 20, quittent leur pays
pour rejoindre en Amérique leurs »compatriotes », futurs maris émigrés
en Californie qu’elles n’ont vu que sur des photos. Elles sont naïves et
pleines d’espoir. « Certaines n’avaient jamais vu la mer » mais après
une traversée de l’Atlantique éprouvante, elles découvrent en arrivant une vie
plein de désillusions : mariage sordide, travail harassant, essai
d’intégration mais racisme des Blancs et humiliations fréquentes, déportation
en 1942. Ce récit nous raconte « le brutal déracinement de ces geishas qui
trimeront dans les champs ou qui serviront de boniches à la bourgeoisie »
avant d’être mis dans des camps d’internement dans cette Amérique terriblement
raciste (très belle page sur cet exode)
La réussite de ce roman
tient beaucoup dans l’écriture magnifique, poétique, lyrique. L’auteur a
choisi d’écrire à la première personne du pluriel : l’héroïne est donc
multiple et ce « nous » est très émouvant et scande le destin
misérable de chacune des voix anonymes : « l’émotion tient le lecteur
tout au long du livre » dit un critique du Monde.
Il est intéressant de
savoir que le déplacement puis l’internement de quelques 120 000 japonais,
en 1942, après l’attaque aéronavale japonaise, reste un sujet tabou aux
Etats-Unis. En 1988, au nom du gouvernement américain, le président Reagan
présentera ses excuses à la communauté américano-japonaise « pour le
traitement injuste et dégradant qu’elle subit alors ».
Ce roman superbe est un
document poignant, bouleversant auquel on repense souvent.