Leïla Slimani : Regardez-nous danser (Le pays des autres,2) - ed. Gallimard - 2022 - roman
Voici le deuxième tome de la trilogie « Le pays des autres », trilogie d’inspiration familiale, comme une saga romanesque, se passant au Maroc, le pays d’origine de l’auteure. Elle dit : « Rien n’est exact, tout est vrai…je veux protéger les miens de l’autofiction ». L’auteure devenue une star mondiale de la littérature est traduite dans plus de 45 pays depuis qu’elle a remporté le Prix Goncourt en 2016 et le Grand Prix des lectrices de ELLE en 2017avec « Chanson douce » histoire d’un infanticide commis par la nounou d’un couple parisien trentenaire.
Dans le premier tome, les héros, Amine et Mathilde et leurs enfants, Aïcha et Selim, vivent au Maroc jusque les années 1956 : histoire de ce couple mixte lui marocain, elle alsacienne, (à l’image des grands-parents de l’auteure) tiraillé entre deux cultures.
Dans ce tome II, l’histoire démarre 12 ans après, en 1968 dans le domaine d’Amine et Mathilde près de Meknès. Amine, devenu ombrageux, a transformé le domaine agricole de son père en une propriété très prospère. Il veut par son travail acharné, son autorité impitoyable, devenir quelqu’un aux yeux des autres (et de ses amis rotariens). « Tout le livre est traversé par cette question du regard. Que signifie vivre sous les yeux des autres, dans une société où l’idée même de l’intimité, du secret, n’est pas vraiment permise ? » dit l’auteure. Mathilde, qui était si vaillante, active, pleine d’espoir, rumine face aux infidélités de son mari et s’inquiète pour ses enfants. Ils vivent dans un Maroc indépendant depuis 12 ans « passé de la tutelle coloniale à l’autorité d’airain d’Hassan II » (Télérama).
L’auteur s’attache à nous montrer l’évolution de la nouvelle génération, les enfants devenus de jeunes adultes. Aïcha fait ses études de médecine en Alsace, terre d’origine de sa mère, où elle travaille tellement pour réussir, sans se soucier des garçons et de Mai-68 puis elle s’émancipe en rencontrant Medhi. Aïcha fait partie de la première génération de femmes à devenir financièrement indépendantes et de ce fait détenir « une forme de pouvoir de légitimité mais elles restaient moralement très dépendantes de leur mari. » L’auteur dit s’être inspiré de la vie de ses parents pour bâtir la vie de ce couple.
Sélim ne reprendra sans doute pas la ferme familiale. Il a un désir d’ailleurs et ne s’entend pas avec son père. Il fuit le domaine et vit à Essaouira avec une bande de hippies qui rêvent de paradis artificiels et vivent des lendemains désenchantés.
Chacun cherche à trouver sa place et son identité dans ce monde changeant et l’auteure nous relate avec sa belle écriture leurs sensations, leurs émotions et leurs désarrois dans ce Maroc à l’histoire tourmentée dans lequel « ceux qui dansent et profitent de la vie ont l’impression d’être épiés par ceux qui n’ont rien », impression particulièrement ressentie pendant la fête du mariage assez inquiétante et macabre et d’où le titre du récit.
Hâte de connaitre la suite (peut-être plus rapidement : il s’est passé deux ans entre le tome I et le tome II) ???