Anne berest : La carte postale - 2021, Grasset - roman
Anne Berest est l’auteur de plusieurs romans, scénariste de la série Mytho sur Arte, a aussi écrit un livre avec sa sœur Claire « Gabriëlle »,( femme de Picabia et muse du Tout-Paris surréaliste en 1930).
Ici elle se plonge dans une enquête sur la vie de ses ancêtres : en 2003, une carte postale anonyme arrive chez la mère de l’auteure, Leila. Sur la carte : quatre prénoms, ceux des grands-parents de Leila et deux de leurs enfants. Y manque le nom de la mère de Leila, Myriam, la grand-mère de l’auteur. Les quatre personnes écrites sur la carte sont décédées à Auschwitz en 1942.
Pendant trois ans, Anne Berest et sa mère font des recherches sur l’origine de cette carte (écriture, lieu d’envoi, pourquoi l’Opéra Garnier sur cette carte). Les chances sont faibles d’éclaircir cette énigme et jusque la fin, le lecteur est tenu en haleine et enfin découvrir la vérité…
Leila est un personnage clef du roman car elle détient déjà beaucoup de détails de la jeunesse de ses grands-parents. Elle avait fait des recherches sur eux jusqu’à leur déportation en 1942 : sa mère, Myriam, juive, décédée en 1995, est née en Russie et enfant, en 1919, elle traverse la Russie, la Lettonie, la Palestine pour venir en 1929 avec ses parents, son frère et sa sœur en France, pays de rêve et de liberté. Ils s’installent en Normandie et se sentent intégrés tout en gardant à la maison les habitudes et les traditions juives. Myriam et sa sœur font des études supérieures et Myriam se marie avec un des nombreux enfants de Picabia, mariage qui lui sauvera la vie, la rayant de la liste des juifs du village.
Depuis 1942, aucune recherche ne fut engagée. C'est il y a trois ans que l’auteure enquête à nouveau sur la suite de la vie de Myriam, sur ses deux mariages, sa vie de résistante, sa vie bâtie sur le silence…
L’auteur explique avoir écrit son livre au fur et à mesure de l’enquête : « Je n’ai pas construit le récit en connaissant la fin » dit-elle. Leila et l’auteure vont dans le village de Normandie, parlent aux voisins, visitent les maisons du village, rencontrent des témoins, prennent un détective, demandent des recherches à un expert graphologue, retournent au cabanon des vacances devenu ensuite la cache de Myriam pendant la guerre près du village où René Char avait implanté son QG de résistant.
Anne Berest construit formidablement son récit, fait revivre les voix, les pensées de ses ancêtres avec les parfums, les couleurs.
Le livre terminé, des flashes assaillent le lecteur : les scènes horribles de Birkenau, le chaos des retours au Lutétia à la libération, les risques pris par les résistants, la confiance de cette famille juive à la France et bien d’autres…..
Excellent livre original dans sa construction d’une très belle écriture