vendredi 22 juin 2018

Gaëlle Josse : Une longue impatience (N°1- Mai-Juin 18)

livre une longue impatience  Gaëlle Josse : Une longue impatience - 2018, Notabilia - roman français

 Cette auteure m’avait enthousiasmée par son livre « Le dernier gardien d’Ellis Island » (paru en 2014). « Récit à la fois sur la vie émouvante de ce gardien et sur la vie tragique des exilés dans ce centre d’immigration, de transition et de rétention » avais-je dit dans ma fiche sur ce blog.

Dans ce livre-ci, elle nous fait « un portrait de femme bouleversant » (Express) d’une mère qui, chaque jour, attend le retour de son fils, Louis, 16 ans, qui a quitté la maison après une dispute violente avec son beau-père. Louis a perdu son père en mer. Par petites touches, nous apprenons l’histoire d’Anne, de Louis, du nouveau mari d’Anne et des demi-frère et sœur de Louis.
La douleur d’Anne est insupportable et son chagrin est immense : comment continuer de vivre, de « paraitre » aux yeux de son mari, de ses enfants, des voisins, des habitants du village. Seules, ses escapades vers la mer l’aident à supporter le choc et nous valent de superbes descriptions de la lande, la mer, le vent, la pluie…
Anne écrit régulièrement des lettres à son enfant dans lesquelles elle invente une fête extraordinaire qu’elle lui offrira  à son retour : la joie des retrouvailles, les achats qu’elle aura faits, les menus des repas sont superbement décrits dans le détail. Cela l’aide à survivre.
Gaëlle Josse trouve le mot juste pour décrire chaque sentiment avec pudeur et le désarroi de cette maman touche au plus profond le lecteur. Les derniers chapitres titrés « Ce qui part, ce qui vient » sont absolument magnifiques et si émouvants.
A lire absolument bien que mélancolique…

Anna Hope : La salle de bal (N°2 - Mai-Juin 2018)


livre la salle de bal

Anna Hope : La salle de bal - Gallimard -2017 - roman anglais

 

Anna Hope est née en Grande Bretagne et a fait ses études à Oxford et Londres. Elle fut d’abord actrice puis, « lasse d’attendre le coup de téléphone annonçant un rôle » dit-elle, elle écrit quelques nouvelles puis suit un master en « créative writing » et se lance dans un premier superbe roman « Le chagrin des vivants » qui obtient un grand succès. Ce roman-ci est son deuxième livre. Il a obtenu le « Prix des Lectrices de ELLE » ce qui augure toujours un bon moment de lecture.
Ses deux romans se passent en Grande-Bretagne, au début du XXème siècle, période que l’auteure dit beaucoup aimer.
L’auteure part d’un fait réel pour nous décrire cette superbe rencontre entre Ella et John, deux « patients » d’un asile du Yorkshire. Troisième personnage de ce récit : le docteur Charles  Fuller qui imagine des projets pour guérir ce genre de malades. Trois héros donc dans ce récit qui vont s’exprimer tout à tour et développer l’évolution de leurs sentiments que l’auteur analyse avec une grande acuité.
John et Ella  ont été internés car, pour des motifs futiles, on les a jugés « fous ». Ils travaillent dur dans cet asile et ne rêvent que d’évasions… Ils se retrouvent chaque vendredi dans une « somptueuse salle de bal (qui, aussi incroyable que ce soit, existe réellement).
Le docteur Fuller va devenir un défenseur de la loi sur l’eugénisme, voté en 1913 en Grande-Bretagne. Cette théorie de l’eugénisme a été inventée non pas par les nazis mais par les anglais. Elle prônait la pureté du sang et de la race et l’élimination ou la stérilisation des personnes dites handicapées donc des « fous », donc de John et Ella…
Comment vont s’en sortir nos deux amoureux dans ce milieu ?
Livre bouleversant écrit avec grâce et finesse et un épilogue qui se passe en 1934, une vingtaine d’années plus tard, absolument émouvant.

Jerôme Garcin : Le syndrome de Garcin (N°3 - Mai-Juin 2018)

livre le syndrome de garcin 

Jérôme Garcin :  Le syndrome de Garcin - Gallimard, 2018 - roman français



Jérôme Garcin continue « son projet autobiographique » commencé il y a 20 ans avec « La chute de cheval » sur la mort prématurée de son père et « Olivier » avec la mort de son frère jumeau.
Ici il rend hommage à son Papi, Raymond Garcin, son grand-père paternel neurologue réputé, clinicien de génie qui découvrit et étudia le « syndrome de Garcin ». Né en Martinique, il s’est ancré en Normandie où l’auteur passa beaucoup de vacances lors de son enfance. Que de nostalgie, d’émotions et de mélancolie chez cet écrivain, jamais remis  de la mort  de ses proches et qui se décrit lui-même  comme « un petit garçon endeuillé et inquiet ». Il décrit aussi son grand-père maternel, Clément Launay, pédopsychiatre et pédiatre, ami de Françoise Dolto qui avait pour but de « sauver les enfants malades ». Quelle famille de médecin !! mais ce sont les derniers de la lignée.
 Cette évocation de la médecine, des différents hôpitaux, des travaux de recherche ne m’a pas du tout passionnée. Le côté médical de ce livre est trop spécialisé. Par contre le côté humain est intéressant. J’ai simplement retenu le fait que ces deux personnages ont transmis à l’auteur « la rigueur, le travail, l’écoute patiente, le goût de l’excellence qui fait la réussite » (Le Monde). L’auteur nous fait cogiter sur « la lignée et les formes de transmissions », valables, je pense, pour chaque genre de métiers.
A lire si l’on est une famille de médecins ou médecin soi-même ou très intéressé par le milieu médical.

Sylvain Tesson : Un été avec Homère (N°4 - Mai-Juin 2018)

livre un ete avec homere   Sylvain Tesson : Un été avec Homère - ED. des équateurs/France Inter 2018 -  roman français.

Nouvelle expédition pour Sylvain Tesson (moins loin cette fois-ci…). Il s’est installé « dans un pigeonnier vénitien de l’île de Tinos » en Grèce pendant un mois pour relire Homère.
Il nous fait revivre, relire et se remémorer « L’Iliade et l’Odyssée » (plutôt ce dernier qu’il préfère). « L’Iliade et l’Odyssée m’apprirent à vivre mieux. En outre elles commentaient notre actualité. C’est le miracle antique » écrit-il. « Ces deux poèmes sont des récits fondateurs de mythes, de religions qui expliquent le monde et aident à vivre » (Fnac).
Toujours aussi charmeur et enthousiaste, il nous donne  un angle de lecture particulier sur cette épopée et, à son habitude, compare la vie des héros antiques à la vie des hommes politiques contemporains ainsi que  les guerres et les luttes du pouvoir actuelles et les catastrophes écologiques à venir… On sourit ou éclate de rire plus d’une fois… et on se pose beaucoup de questions. « Tout se déploie en quelques hexamètres : la grandeur et la servitude, la difficulté d’être, la question du destin et de la liberté, le dilemme de la vie paisible et de la gloire éternelle, de la mesure et du déchaînement, la douceur de la nature, la force et l’imagination, la grandeur de la vertu et la fragilité de la vie… » écrit-il.
Il nous écrit une approche vraiment personnelle, originale et intime plutôt qu’universitaire et classique.
Ce serait bien de relire Homère avant cette lecture car on est quelque fois perdu dans les noms des héros et des dieux.
« Ce livre est à l’origine d’une série d’émissions diffusées pendant l’été 2017 sur France Inter » (note de l’éditeur sur le 4ème de couverture)