jeudi 21 février 2013

Joël Dicker : La vérité sur l'Affaire Harry Québert

Joël Dicker : la Vérité sur l'Affaire Harry Québert - Ed de Fallois, 2012 - roman
 
 La vérité sur l'affaire Harry Quebert
 
Joël Dicker, jeune écrivain suisse, écrit ici son deuxième roman, un véritable thriller qui a obtenu le Prix de l’Académie Française et le Prix Goncourt des Lycéens en 2012.
En 2008, un jeune écrivain, Marcus Goldman, souffrant du syndrome de la page blanche, vient rendre visite à Aurora dans le New Hampshire à son ancien professeur, Harry Québert, vieille gloire de la littérature américaine, célèbre pour son chef d’œuvre « Les origines du Mal », dans l’espoir que celui-ci l’aide dans son travail.
Mais à ce moment-là, la police fait une macabre découverte dans le jardin de Harry Québert : les restes de Nola Kellerman, adolescente disparue pendant l’été 1975. Les soupçons se portent évidemment sur Québert. Qui a tué Nola en 1975 ?
Marcus va refaire en parallèle de la police, l’enquête sur ce crime pour sauver son mentor et ami et prouver son innocence. Comme nous sommes aux Etats-Unis les avocats se mêlent tout de suite à l’enquête et ils vont découvrir des meurtriers potentiels : le pasteur, le chef de police et son adjoint, un chauffeur-peintre, un riche industriel, une propriétaire de restaurant et son mari…toute la petite société d’Aurora se trouve mêlée au crime…
Marcus fera de cette Affaire le sujet de son futur livre : il y a donc une histoire dans l’histoire puisqu’il reprend des passages du livre de Québert et situe son roman aux deux stades divers du drame.
Nous lisons les conseils d’écriture (un peu poncifs) que donne Harry Québert à son élève et des informations sur l’édition aux Etats-Unis. Nous découvrons les modes de vie d’une petite ville de l’Amérique profonde et nous suivons cette enquête à rebondissements inattendus avec de nouvelles énigmes à résoudre constamment.
C’est donc un bon thriller français, écrit par un Suisse, qui se passe aux Etats-Unis. Evidemment un peu long avec ses 663 pages mais vite lu car on a hâte de connaître la fin.

Philippe Besson : De là, on voit la mer

Philippe Besson : De là, on voit la mer - Julliard, 2013 - roman court

 

De là, on voit la mer

Dès les premières lignes, nous sommes en Italie sur une route en corniche dans une Fiat 500, comme sur la couverture de ce petit livre.

Louise, une femme écrivain libre, sans enfant, avec un mari laissé à Paris, vient écrire un livre dans la villa d’une amie à Livourne en Italie parce que, selon elle, pour écrire il faut s’imposer la solitude. Tout l’enchante dans ce lieu : la mer, la chaleur, la ronde des ferries qu’elle regarde derrière la vitre (comme dans tous les livres de Besson…). Une aventure amoureuse violente se trame. C’est la crise de la quarantaine : que faire ? que dire ? La liberté qu’elle veut garder l’oblige à faire des choix, à ne pas faire de concessions, à tenir son destin en main. Elle est intransigeante, ne veut rien cacher, ne veut pas mentir.

Elle doit retourner en France quelques jours au chevet de son mari accidenté. Le dialogue avec lui est extraordinaire : dialogue oui…mais entrecoupé de tant de silences, pendant lesquels on ressent les souffrances, les jalousies, les fêlures, les non-dits des deux personnages. C’est un passage superbe sur le temps et l’usure des couples. Quelle finesse d’écriture.

Pour Besson, « entre l’amour et l’écriture, il faut choisir ». Lui et Louise ont choisi l’écriture mais n’est-ce pas terriblement égoïste et cette solitude imposée n’est-elle pas bien triste ???

C'est un beau portrait de femme libre mais cette liberté a un prix.

                                                   

 

David Lodge : Un homme de tempérament

David Lodge : Un homme de tempérament - Editions Payot et Rivages, 2012 - roman biographique                                   

     Un homme de tempérament
David Lodge est un grand auteur britannique né en 1935. Enseignant la littérature anglaise jusqu’en 1987, il a publié des essais, des critiques, des romans, spécialement sur la période victorienne et sur les milieux universitaires, la révolution sexuelle, les problèmes de vieillissement.
Il nous régale ici avec un roman « Un Homme de tempérament », un formidable portrait de son compatriote Herbert George Wells (1866-1946) qui fut le pionnier des romans de Science-fiction (L’Homme invisible, La Guerre des Mondes) et a écrit aussi des essais politiques et sociaux. « Wells lutte toute sa vie pour changer le monde ».
Ce n’est pas seulement le portrait bien documenté de cet écrivain mais c’est aussi le tableau de toute une époque sur fond de guerres mondiales, de luttes féministes et de débats littéraires. Wells apparaît comme étant un « intellectuel progressiste voire utopiste, un esprit à la fois marginal, généreux et rayonnant, une âme libertaire, un amoureux des femmes, à la sexualité hyperactive, défenseur et pratiquant de l’amour libre autant que du mariage à répétition » : tout est dit dans cet extrait. On découvre l’écrivain, le socialiste membre de la « Fabian Society » et le Don juan. « Ce portrait est à la fois fascinant, attendrissant, exaspérant » nous dit un critique du Monde.
Lodge a l’habileté de faire des interviews fictives de Wells au cours de cette biographie ce qui lui permet de donner des réponses à des questions sur l’existence humaine.
Le texte et l’écriture sont drôles et alertes, « un savoureux parfum british », beaucoup d’humour et de finesse tout ce que j’aime chez les auteurs britanniques.
Extrait d’une interview récente de Lodge :
« Pourquoi vous êtes-vous intéressé à Wells. Est-ce par curiosité ? par admiration ? par identification ? » A ce dernier mot, Lodge éclate de rire : « Moi… je suis affreusement conventionnel et monogame !! H.G. Wells est aussi éloigné de moi qu’on peut l’être… » mais comment a-t-il fait pour se glisser dans la peau du personnage avec autant de facilité !!!!

Jean-Luc Seigle : En vieillissant les hommes pleurent


Jean-Luc Seigle : En vieillissant les hommes pleurent - 2012, Flammarion - roman

Ce roman court se passe en une journée : le 9 juillet 1961. C’est l’histoire d’une famille d’origine paysanne, dans le monde rural en plein changement, dont le principal évènement est l’arrivée de la Télévision dans la maison, pour voir, ce jour-là, un reportage sur la guerre d’Algérie : Henri, le fils aîné, soldat, doit passer dans l’émission « Cinq colonnes à la une » et c’est un bouleversement pour tous.
Comment le père, Albert, ouvrier chez Michelin, va réagir ?

Comment la mère, Suzanne, de plus en plus frivole, trompant son mari, va supporter la vue de son enfant chéri ?
Comment le fils cadet, Gilles, passionné de littérature va le supporter ?

S’ajoutent les réactions des voisins, venus regarder la télévision pour la première fois.

C’est donc l’évolution de la vie dans les années 60 qui nous est analysée avec beaucoup de sensibilité et de finesse, peut-être un peu larmoyant comme l’indique le titre.

Très bon roman psychologique et sociale.